Le baseball féminin fait battre le coeur de Rouen

La ville de Rouen a vibré du 31 juillet jusqu’au 3 août. Le premier championnat d’Europe de baseball féminin de l’histoire a été organisé sur le terrain Pierre-Rolland du stade Saint Exupéry. Trois équipes phares du continent se sont rencontrées (La République Tchèque, les Pays-Bas et la France) dans une discipline historiquement masculine et remportée par les Tricolores. Retour sur cet événement haut en couleurs.

Le premier championnat d’Europe de baseball féminin s’est déroulé à Rouen du 31 juillet au 3 août. Les Françaises ont brillé en remportant la compétition face à une vaillante équipe des Pays-Bas. Elles se qualifient par la même occasion pour les championnats du monde 2020. Voyageons dans le temps pour découvrir comment les femmes ont pu manier le sport à la batte.

 

 L’affiche officielle de la compétition européenne 2019 de baseball.

 

Voyage dans la genèse du baseball

Les mots « baseball » et « féminin » résonnent encore plus fièrement dans Rouen, pour ce sport historiquement masculin. L’image de « sport des Américains » colle encore aujourd’hui à la peau du baseball même si cela peut se nuancer à Rouen, ville où réside le club des Huskies, club 14 fois champions de France et qui brille régulièrement sur la scène européenne. Mais c’est bien une forme de sexisme qui a longtemps tenu les femmes éloignées des battes. A la racine de cette discrimination, qui remonte au milieu du 19ème siècle, on retrouve donc d’autres mœurs que celles de notre société actuelle : les femmes n’avaient leur place dans aucun sport.

En 1887, est né le sofbtall. Pour la petite histoire, un groupe d’environ vingt jeunes hommes s’était réuni dans le gymnase du club de Farragut aux Etats-Unis afin d’entendre les résultats du match de football entre Harvard et Yale.

Après que la victoire de Yale a été annoncée et les paris payés, un homme prit un gant de boxe et le jeta sur quelqu’un, qui le frappa avec un « poteau ».

George Hancock : il est habituellement considéré comme l’inventeur du softball, cria : « Jouons à la balle ! ». Il attacha le gant de boxe de sorte qu’il ressemble à une balle, dessina un terrain sur le plancher, de plus petite taille en dimensions qu’un terrain de baseball pour pouvoir jouer dans le gymnase. Il cassa ensuite un manche à balai pour s’en servir comme d’une batte. Ce qui venait de se dérouler était une version plus petite et légèrement différente du baseball. Cette partie est maintenant, 121 ans plus tard, reconnue comme le premier match de softball.

Considéré comme plus physique, plus rugueux, plus « viril » comme on le prétend, le baseball reste très prisé et pratiqué par les garçons. Les filles, quand elles ont eu enfin gagné le droit de pratiquer un sport, sont reléguées au softball, pour leur sécurité prétend-on. Les jeunes joueuses jouent souvent dans des équipes mixte ou encore licenciées en softball, une discipline plus développée au féminin.

 

Illustration de softball

 

Quand l’histoire donne raison aux femmes.

Tout au long de l’histoire, le baseball féminin va prendre le relai et tenter de se faire une place dans le monde du sport. Le point de départ se résume en une date : le 07 décembre 1941. Les forces navales et aériennes du Japon mènent une attaque surprise contre la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor.

Ils neutralisent 5 cuirassés sur 9 et détruisent 200 avions. Le lendemain, le Président Roosevelt demande au Congrès une déclaration de guerre des Etats-Unis contre le Japon. Le Congrès accepte.

Pendant cette période pour le moins mouvementée pour les Américains, la plupart des hommes professionnels pratiquants le baseball sont mobilisés, cela implique donc l’arrêt du championnat. Il fallait cependant continuer à divertir un public qui devenait en manque de son hobby préféré : c’est là que les joueuses prennent alors le relais.

Une toute première ligue féminine voit le jour en 1943. Un événement qui bouleverse les codes du sport si l’on prend en compte le contexte de l’époque. Ce fait marquant inspire même Hollywood qui produit un film, « A League of their Own » (« Une équipe hors du commun »), en 1992, avec notamment Tom Hanks et Madonna. L’histoire retrace le parcours de deux soeurs qui se joignent à la première ligue professionnelle féminine de baseball et luttent pour l’aider à performer dans une rivalité grandissante.

Après plusieurs années de creux, le baseball continue de s’ouvrir à la gente féminine. Cela était loin d’être gagné pour elles, tant les préjugés sont nombreux dans ce sport.

En France, on pouvait constater une situation qui pouvait s’avérer être paradoxale : dans les sections des jeunes, y compris en Equipe de France, les filles côtoyaient les garçons jusqu’à un certain âge (en général jusqu’à l’adolescence). Puis, on les dissuadait de poursuivre, au profit du softball.

Une rupture totale qui casse la barrière « fille/garçon » a lieu en 2015 : une Française, Mélissa Mayeux, qui est la première femme a être conviée par la Major League of Baseball (MLB). Un fait inédit qui bouleverse littéralement les codes du baseball et qui sera la racine pour développer le baseball féminin. La Française a d’ailleurs été la figure de proue de l’équipe de Rouen qui représente aussi l’Equipe Nationale de France de baseball lors de ce tournoi européen sur le complexe Saint-Exupéry.

Une compétition réussie

Rouen donc, terrain Pierre Rolland du complexe Saint-Exupéry. Dans les tribunes, les supporters donnent de la voix, en particulier les supporters de l’équipe nationale des Pays-Bas, équipe championne d’Europe l’année dernière. Ils rêvent que leur jeunes pousses réitèrent un nouvel exploit.

 

Les tribunes sont pleines à craquer sur le cours Pierre Rolland.

 

A l’entrée, le spectateur est directement plongé dans l’ambiance. Des vendeurs proposent plusieurs variantes de produits dérivés (du club des Huskies notamment). Casques, statuettes des gloires de l’équipe, mais aussi des gilets ou autres sweats-short. La gamme est complète. Parmi tous ces vendeurs, Guillaume MARIEN se distingue du lot. Il est en effet investi dans le sport depuis 40 ans dans différentes disciplines : le BMX pour commencer, le football américain ensuite.

Il est notamment à l’origine du club de football américain des Salamandres du Havre.

 

Un exemple de statuettes à l’effigie de clubs que propose Guillaume MARIEN

 

Il travaille avec une structure, Bridges Sports Distributions, magasin de matériels et d’équipements.

Pendant ces trois jours, il gère un stand proposant divers produits liés au baseball. « On fait de plus en plus de personnalisation, en allant des sweats-shirts, casquettes, mais aussi des sacs. On travaille beaucoup le verre et le Plexiglas pour faire du contenu original », explique t-il. Son rôle va toutefois bien plus loin que la vente de matériels à l’effigie des clubs. « On propose aussi la création de logos pour les différents clubs et surtout on les conseille au niveau de leur stratégie de communication afin qu’il puisse y avoir toujours de l’interaction avec les supporters, notamment sur les réseaux sociaux », développe t-il.

Concernant le développement du baseball féminin, il insiste : « c’était inévitable, il fallait vraiment que ça se fasse.On n’est pas aux Etats-Unis ni au Canada, en Europe il faut toujours un peu de temps pour que ça se démocratise. Les filles qui veulent faire du baseball sont vraiment frustrées de ne faire que du soft. Là elles sont entre elles, elles jouent avec des filles du même âge, du même gabarit ». Le baseball féminin peut-il alors grandir et se mettre en lumière dans les années à venir ? Guillaume MARIEN garde espoir et reste confiant : « pour un premier tournoi européen, il devait y avoir quatre équipes mais la quatrième n’a pas pu venir au dernier moment. Trois équipes, on peut se dire que c’est peu, mais pour une grande première, ça reste une très belle avancée. Pour le prochain championnat d’Europe, je suis sûr qu’il y aura six équipes et après ça décollera, vous verrez ! Il faut juste un peu de temps. »

Trois nations se sont donc affrontées pour cette grande première européenne : la France, les Pays-Bas et la République Tchèque. Chacune de ses nations se sont rencontrées, puis les deux nations les plus fortes, la France et les Pays-Bas en ont décousu en finale. En couvrant ces trois jours de tournoi intense et malgré la chaleur qui aurait pu perturber plus d’une équipe, on a pu se rendre compte que ces nations ont montré une belle combativité et un état d’esprit irréprochable.

Du suspens aussi avec des retournements de situation, notamment avec ce premier France-Hollande : les Bleues perdaient 5-0 avant de lutter et de revenir s’imposer 15-10. Au fil des matchs, Françaises et Hollandaises se sont retrouvées une nouvelle fois pour en découdre en finale. Malgré la pugnacité des Oranje, les Bleues n’ont pas tremblé et ont su garder leur sang-froid pour s’imposer sur le score de 5-2.

 

Les Bleues en pleine préparation pour la finale contre les Pays-Bas.

 

Laurine MAGDELEINE est stagiaire à la Fédération Française de Baseball. S’occupant de la logistique événementielle et de la relation entre les différentes équipes, elle est fière d’apporter sa vision et sa touche féminine à travers cet univers masculin. Pour elle, cette qualification des Bleues pour le Mondial 2020 laisse entrevoir de très belles choses : « c’est vraiment le début de quelque chose de génial pour les femmes dans le monde du baseball. C’est un bon tremplin pour la suite et on pourra vraiment voir les filles rayonner au niveau international. »

Emue, elle ajoute d’une voix tremblante : « cette qualification montre aussi que les femmes ont tout à fait le droit de jouer au baseball. Les filles peuvent vraiment s’épanouir et ne sont pas juste bridées dans une seule et même catégorie comme au softball. Il y a vraiment des avancées considérables dans le développement du sport féminin, je suis basketteuse à l’origine et c’est un réel plaisir que de voir ces femmes, tous sports confondus, apporter leur pierre à l’édifice. »

Prochaine étape donc, la Coupe du Monde 2020. Laurine a un message clair à faire passer : « il faut vraiment que les spectateur puisse soutenir les filles de toutes leurs forces. Un soutien, qu’il soit petit ou grand est vraiment important pour elles. C’est avec ce soutien qu’elles peuvent nous transmettre toutes leurs émotions et leur énergie à travers leurs matchs. »

Pour promouvoir un tel événement comme ce championnat européen, la communication a un rôle crucial. François COLLET est justement le responsable de la communication à la Fédération Française de Baseball et de Softball (FFBS). Il est épaté par le développement du baseball chez les filles : « on sait qu’historiquement, le baseball était un sport d’hommes. Cependant, je suis très fier que cette pratique se propage très vite. Je peux même vous dire qu’au cours de ces dernières années, elle s’est multipliée par quatre. En France, le baseball est pratiqué par 1144 joueuses dont 433 adultes (chiffres 2018). Depuis 2011, les effectifs féminins ont augmenté de 308%. »

Le responsable revient sur sa fonction au sein de la FFBS : « pour cet événement, on a utilisé toutes formes de communication, des flyers, mas aussi sur les réseaux sociaux en interagissant avec les fans. Vous pouvez aussi constater qu’il y a des affiches dans les rues sur les panneaux publicitaires. On a pu remarquer que cela a plutôt bien marché, les gradins étaient pleins à craquer.»

De bons résultats, des communicants qui réussissent à fédérer un public, avouez qu’avec de bons ingrédients comme ceux-là, le produit final ne peut qu’être bon !

Après cette belle finale, le président de la Fédération Française de Baseball et Softball, Didier SÉMINET était littéralement aux anges. Cependant, il devait tout de même contenir un minimum sa joie : « pour moi c’est un peu compliqué de jubiler complètement pour cette très belle qualification, parce que je suis aussi président de la Fédération Européenne de baseball. Mais bien évidemment, en tant que Français, je suis très fier que cette Equipe de France soit la première qualifiée pour le Mondial de l’année prochaine ».

Le Président de la FFB dresse ainsi avec une grande fierté un bilan de ces trois jours de tournoi : «cette compétition s’est merveilleusement bien passée avec une organisation de Rouen exceptionnelle. Les équipes chargées de l’accueil ont très bien fait leur travail, on a respecté chaquenatio n ici, les matchs se sont déroulés d’une manière fluide, sans incidents. Je suis  ’autant plus content que ce n’est pas vraiment une période facile, il n’y avait pas beaucoup de bénévoles. Leur travail était excellent et a même été salué par les joueuses et les officiels de ce tournoi. »

Didier SÉMINET se réjouit de l’ampleur et des répercussions qu’aura ce tournoi sur le baseball féminin : « Je suis depuis toujours un grand amateur de baseball, le fait que les filles puissent pratiquer ce sport redonne du sens au jeu. Il y a toujours des frappes et des courses, des relais et des retraits et ça rend le sport vraiment plus agréable. Ce que j’attends de ce futur tournoi 2020, c’est que les filles gagnent en expérience et qu’il y ait une notoriété qui se construise autour de ça. Le baseball féminin et le sport féminin en général ne pourront en sortir que grandis par ce mondial ».

Qui mieux que le manager général de l’Equipe de France pour réagir à chaud à ce sacre ? Keino PÉREZ a fait partie du staff des Bleues pendant ces trois jours. Il a été source de motivation pour ces joueuses, dans les bons et les mauvais moments, même si ces derniers ont été peu nombreux. Son visage rayonne de bonheur : « Cela a été une vraie finale avec un score de 5-2. Les Hollandaise ont vraiment été combatives jusqu’au bout, mais nos filles ont fait preuve d’une belle régularité. On s’est nourri de ce premier match contre les Oranje où l’on a été beaucoup moins à l’aise techniquement. »

Keino PÉREZ met en avant son groupe et est très satisfait de ces trois jours de compétition : « cinq matchs, cinq victoires, que demander de plus ? Je pense qu’on a un groupe de filles incroyables pour performer dans les plus grands tournois européens et mondiaux. Il va encore grandir dans les années à venir, c’est sûr. Le baseball féminin a de très bons jours devant lui en France.»

Le manager des Françaises pense déjà à la Coupe du Monde 2020 et reste vraiment déterminé : « Vous pouvez être sûrs d’une chose, c’est que fera de notre mieux pour se battre et aller chercher les victoires, les unes après les autres. Le plus important, c’est que l’on puisse créer un groupe homogène qui va nous permettre de travailler avec une base solide sur laquelle on pourra compter. Il faut profiter de cet événement pour prendre un maximum d’expérience. »

Les prochains mois s’annoncent chargés puisque les Bleues vont déjà commencer à s’entraîner dur en vue de ce Mondial que tout le monde attend : « il n’y a pas encore de date fixée pour la reprise, on va déjà bien profiter de ce sacre européen dans un premier temps. Mais comptez sur moi, les entraînements vont être intensifs, on est qualifié pour la Coupe du Monde ! »,
s’exclame Kéno PÉREZ d’une voix incrédule.

 

 

Amateurs de baseball ou de sport en général, d’autres grands rendez-vous sont prévus cet été ! Après cet événement européen, Rouen sera loin d’en avoir fini avec le baseball. En effet, la première place du championnat de France masculin se déterminera dans le courant du mois d’août avec des plays-offs. Deux rencontres seront jouées à Rouen, soit le 17 et 19 août, soit le 24 et 25 août.

Un grand événement est aussi attendu de longue date pour le jeudi 28 août à 14h : une rencontre entre l’Equipe de France et le Japon, une des plus grandes nations de baseball. Ce match servira surtout de préparation en vue des championnats d’Europe, où se joue une qualification pour les Jeux Olympiques. Un test grandeur nature. Un grand bravo à la section féminine de la FFB qui nous a fait vibrer pendant tout ce tournoi. Vous avez su rester soudées et vous avez montrer un état d’esprit irréprochable pendant ces trois jours de compétition. Reposez-vous bien et revenez en forme pour les prochains défis qui vous attendent !

 

CHAD AKOUM

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